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30 septembre 2010

Océan Pacifique (09-19/06/10)

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La mer

Loin de l'événement, les périodes de navigation sont une vaste suite d'impressions que je m'en vais essayer de vous conter.

La mer, quand les côtes se sont éloignées et que l'horizon n'est que bleu, c'est avant tout un envahissant sentiment de liberté. Personne, pas un chat, un chien ou qui que ce soit qui nécessite l'adoption d'un comportement adéquat ou le respect de quelques convenances. Aux oubliettes la bienséance! Même le temps qui passe peut aller se faire voir. Le jour et la nuit se succèdent mais les horaires n'ont plus d'emprise.

Le matin, le soleil apparaît à la poupe, côté tribord. Puis, il monte jusqu'à faire disparaître les ombres et finit par plonger loin devant le bateau, sous la mer, quelque part au delà de l'horizon, le plus souvent à bâbord. La lune, elle, est plus changeante. Il lui arrive même de ne pas daigner sortir. Au moment où j'écris ces mots, elle se pâme dans sa période la plus extravagante, se montrant dès le coucher du soleil et éblouissant la nuit entière de sa clarté. La beauté du relief blanc qu'elle dessine sur l'océan est une expérience intense. Quand il lui arrive de ne pointer son nez que tard dans la nuit, le spectacle vaut aussi le détour. Par deux fois j'ai frôlé la crise cardiaque en prenant sa gigantesque lumière orange pour un cargo aux dimensions démesurées et à l'approche imminente. Mais lorsqu'elle ne passe pas tout son temps dans le ciel, ça a du bon aussi parce que le show des étoiles, réglé comme du papier à musique, peut se jouer en toute luminosité. Au premier acte s'installe Venus puis à intervalles réguliers, entrent en scène les autres figurants. La croix du sud monte à bâbord, le scorpion sort à la poupe et finit, comme la lune, sa course à la proue dans une contorsion majestueuse. Orion, fidèle au poste noie tous les soirs son bouclier à trois étoiles.

Les quarts, dont la fonction principale est de veiller à l'approche éventuelle d'une loupiote sur le paysage aqueux, ont l'avantage de donner accès à une observation de la nuit à chacune de ses phases.

Et le jour alors, que se passe-t-il ? A peu près rien, soyons honnêtes.

L'expérience s'approche de l'état d'un dimanche vaseux, trimbalement d'une fatigue constante accompagnant un arrière-goût situé entre l'estomac et la gorge. Il faut quand même préciser que le ballotement physique ressenti pendant la gueule de bois n'a rien à voir ici avec une impression. La mer, ça bouge tout le temps même quand elle se ride à peine. Tu te fais envoyer un coup à droite, un coup à gauche et il semble qu'une partie du mobilier veuille en permanence entrer en contact avec une partie de ton corps. Heureusement, plus le voyage dure et plus l'inconfort physique s'estompe. La mouvance constante devient la norme et l'oreille interne finit par s'y faire.

Mais ne nous réjouissons pas si vite, même avec l'habitude, le corps et l'esprit sont toujours à la merci de la météo. La conséquence première du temps qu'il fait ou qu'il a fait à des kilomètres de là et l'élément de base du confort (ou pas), c'est la houle. Si elle est grosse ou croisée (deux houles de directions différentes), l'accès au pont peut devenir délicat, ce qui réduit sacrément l'espace de vie  déjà peu étendu. Ces houles limitent également considérablement les déplacements. Le plus agréable, convenons-en, c'est quand les collines se font plaines. Mais attention, reste un autre énorme détail à prendre en compte: le soleil. Parce que Saint-Aboa voyez-vous, le trimaran sur lequel je voyage, a un mat très en avant et un pilote automatique très capricieux qui font que nous voguons souvent au génois, sans hisser la grand voile. Alors niveau ombre, il faut savoir être stratégique. Sous les Tropiques et pas trop loin de l'équateur, la bronzette tout la journée est à proscrire. Les nuages sont donc les bienvenus quand ils n'apportent pas trop de pluie (sauf lorsqu'il est nécessaire de remplir la douche).

Voilà pour le décor.

J'aimerai ajouter un petit chapitre à la description environnementale pour nos amis les oiseaux qui s'ils sont communs près des côtes, deviennent des apparitions remarquables une fois éloigné de la terre. N'étant pas une grande spécialiste en ornithologie, je me bornerai aux deux espèces qui me sont familières: les sternes que je connais parce que je leur ai déjà volé des œufs dans un épisode précédent et que l'on aperçoit jusqu'à cent milles du rivage et les fous, présents à tout endroit et en tous temps. Le fou est quelque fois accompagné mais je l'ai observé majoritairement seul. Il a le bec et les palmes bleus, ce qui le rend assez élégant. Il semblerait que cet oiseau marin par nature aime de temps en temps se mettre les pattes au sec. Un soir, l'un d'eux a failli se poser sur nos têtes avant d'opter pour la baume sur laquelle il a passé une bonne partie de la nuit. Il est fréquent qu'ils tournent un bon moment autour du bateau pour trouver un angle d'attaque adéquat à l'abordage mais il est rare qu'ils y arrivent. Ils se contentent alors de s'en aller, laissant parfois de belles et larges traces de chiures sur le pont. Rancœur ou désespoir, nul de sait mais après, il faut nettoyer.

C'est tout pour l'activité des oiseaux.

La nôtre n'est pas beaucoup plus diversifiée. Le maitre mot est le repos, la sieste constituant sûrement la majeur partie de notre occupation. Viennent ensuite l'observation des éléments, la lecture, l'absorption de nourriture, le visionnement de films, la confection de bijoux en macramé et parfois la toilette... A trois sur le bateau, nous évoluons la plupart du temps en solitaire. Le rythme des quarts décale celui de nos journées respectives. Des binômes se constituent parfois le temps d'une cigarette ou d'une discussion et nous essayons le soir de nous regrouper pour diner.

Neuf petits jours peuvent paraitre peu au regard des tours du monde sans escales ou d'une simple traversée de l'Atlantique. Ils suffisent toutefois à entrevoir une perception radicalement différente du monde qui nous entoure.
Il est également possible, je crois, de percevoir sa propre pensée sous un autre angle.
La vie me donnera peut-être l'occasion d'aller plus loin dans cette recherche.
En attendant, j'étais bien contente d'apercevoir la terre, d'abord et d'y poser les pieds, ensuite.

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MER3

Ce que la mer et le bateau me disaient un jour de houle formée et ce que j'en entendais depuis ma cabine.
   Lamer by desvoixdumonde

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